How not to make an exhibition

23 Juin

Lorsque Zizek interprète L’Interprétation des rêves, il met en évidence que la réalité est un refuge pour ceux qui craignent les rêves. Il opère un retournement des valeurs communément admises qui stipulent que le rêve permet de reconstruire le réel propre à chacun et de mieux supporter, par cette entremise, la réalité.

La réalité retrouve ici pleinement sa place d’environnement naturel de l’homme. Naturel qui ne signifie pas pour autant adéquat. La réalité est une suite de faits qui ne trouvent d’interrelations que dans la construction que j’en fait. Cette construction peut être celle du rêve, intime, mais elle peut aussi être narrée et partagée. Selon Jacques Rancière fictionner le réel permet de le penser, il s’agit de construire une trame narrative à la réalité par le biais de la fiction. Cette construction fictionnelle existe dans la mesure où elle me permet de rendre plus adéquat l’environnement naturel, celui des faits du réel dans lesquels je me situe. Il m’est nécessaire d’établir une structure sans laquelle je me sentirai perdre pied : sans une compréhension de mon environnement je n’ai plus nulle part ou m’établir. Ainsi, j’adapte la construction du réel à la nécessité de vie, à mes besoins et mes envies. Je me forge une place au sein du monde. C’est ce qui est qualifié de tactique par Michel de Certeau, une façon de s’infiltrer dans les systèmes dominants, oppressifs et normalisateurs, afin de les adapter à mon environnement direct.

Nous avons choisi le terme de « tactique de fiction » afin de désigner la manière dont les artistes utilisent les moyens dont ils disposent afin de mettre en question ce réel.

A la rencontre de ces deux mots, un glissement sémantique, voire un frottement des significations : la fiction est la révélation d’un réel encore insoupçonné, par la narration, tandis que la tactique s’infiltre dans un réel préexistant, pour y trouver sa place. La tactique est un moyen d’un autre moyen, la fiction. A la rencontre de ces deux principes opposés se trouve une possibilité pour l’œuvre d’art de venir remettre en cause certains principes qui sous tendent la construction de notre culture, de notre société. Les réalités varient, aussi la fiction permet de penser là d’où l’on vient. La fiction est un outil potentiel en réaction aux réels afin de construire une politique.

Les pratiques artistiques doivent trouver une façon de remettre les choses sur la table, comme la diversification des valeurs, la transmission des informations dans le temps : la mémoire devient un instrument de pouvoir, elle est le capital : le pouvoir du pouvoir c’est donc la réactivation ou l’occultation des informations. En accord avec le modèle Post-Fordiste du travail, la valeur d’un bien aujourd’hui est d’avantage reliée à son contenu d’informations qu’aux ressources et au travail entrant dans sa fabrication. Cela témoigne largement de la condition mondiale aujourd’hui, et renvoie à une certaine situation de l’art contemporain.

Il y a désormais une navigation du pouvoir entre formé et formateur. Dans How not to make an exhibition il est question du déplacement des rôles et de leur repositionnement, nous souhaitons établir les catégories en terme de mouvement.

La construction des acquis, l’assimilation des connaissances, sont au cœur des tactiques de fiction que nous appliquons ; celles-ci  permettent d’offrir une alternative aux systèmes d’apprentissage en s’introduisant dans leurs brèches, afin de remettre en question leur dimension coercitive.

La concentration du capital nous défait des possibilités d’action. La réactivité appartient à de petites unités. Ainsi activer des pratiques est une tactique qui s’infiltre dans le grand capital, elle est désactivée quand elle est saisie dans la culture de masse : de valeur intellectuelle elle devient juste valeur économique, les économies de l’art sont divergentes.

Ce projet est une programmation qui tente d’analyser les processus à l’œuvre par le biais de tables rondes, workshops, performances, publications. Il ne s’agira donc pas d’une exposition au sens classique du terme, mais d’une invitation à l’expérimentation active, impliquant la session, les artistes et le public.

Nous souhaitons ainsi apprendre à repenser ou bien réapprendre à penser, mettre à plat les notions d’enseignement, d’éducation, de progrès, de compétences.

 

 

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